Au centre
A gauche
A droite

Ainsi, les piliers de la Passion et ceux de la Résurrection structurent l’espace autour de la table eucharistique, l’autel de l’Offrande de Jésus. Cette offrande que l’assemblée, par les mains de celui qui la préside dans le sacrement liturgique, présente au Père dans cette grande doxologie qui conclue solenellement la Prière Eucharistique :«par Lui, avec Lui et en Lui, à Toi Dieu notre Père…»
En gardant les yeux levés vers Celui que nous avons transpercé, grâce au vitrail de la tribune de l’orgue, nous poursuivons notre prière en demandant d’être associés, de devenir nous-mêmes offrande :
«que l’Esprit Saint fasse de nous une éternelle offrande…»
En nous retournant depuis ce point central, nous nous découvrons alors non seulement face au Christ de la porte du tabernacle, mais aussi sous la grande mosaïque perçue lors de notre entrée dans la chapelle.
Cette mosaïque englobe tout l’espace. Aussi bien verticalement qu’horizontalement.
Verticalement, l’axe du trône où est assis Jésus, se prolonge par des marches, puis par la porte du tabernacle, pour aboutir à une scène cachée jusque là : 2 cerfs se désaltérant au bord d’un fleuve qui part dans le lointain, évoquant le psaume 41 «comme un cerf altéré cherche l’eau vive…».
Horizontalement, depuis les mains de Jésus, comme une chaîne de transmission de mains en mains, passant par une multitude de personnages jusqu’à aboutir aux deux petites absidioles situées aux extrémités gauche et droite avec les personnages de saint François-Régis prêchant à des villageois et de saint François-Xavier baptisant des japonais…



«Comme un cerf cherche l’eau vive, ainsi mon âme te cherche toi, mon Dieu Mon âme a soif de Dieu, le Dieu vivant ; quand pourrai- je m’avancer, paraître face à Dieu ?»(Psaume 41)
«Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche dès l’aube : mon âme a soif de toi ; après toi languit ma chair, terre arride altérée sans eau.» (Psaume 62)

Cette mosaïque se trouve dans le cul-de-four de l’abside. Son aspect incurvé, concave, provoque pour celui qui la regarde, le ressenti que ce qui est contemplé, se prolonge jusqu’à lui. Nous sommes inclus dans ce que nous contemplons : nous faisons partie de la scène contemplée !
Outre le fait que cette scène illustre la toute dernière vision de la vie de Marguerite-Marie en 1688, deux ans avant sa mort, sa «mise en scène» évoque l’ultime contemplation des Exercices Spirituels d’Ignace de Loyola : la «contemplation pour parvenir à l’amour» intitulée «Ad Amorem»:
«l’amour réside dans la communication mutuelle des biens. D’un côté, la personne qui aime donne et communique à celle qui est aimée ce qu’elle a, ou de ce qu’elle a, ou ce qu’elle peut donner et communiquer ; de l’autre, la personne qui est aimée agit de même à l’égard de celle qui l’aime.» (n°231)
«Je rappellerai à ma mémoire les bienfaits que j’ai reçus… Je contemplerai que tous les biens et tous les dons descendent d’en haut : ma puissance limitée dérive de la puissance souveraine et infinie qui est au-dessus de moi ; de même la justice, la bonté, la compassion, la miséricorde, etc. ; comme les rayons émanent du soleil, comme les eaux découlent de leur source, etc. Ensuite, je réfléchirai sur moi-même…» (n°234…237)
Partant du cœur de Jésus, cette communication passe de mains en mains traversant tous les personnages. En prolongeant cette chaîne de transmission, nous découvrons qu’elle aboutît à celui qui la contemple… l’Histoire contemplée est devenue notre histoire. Ce qui pouvait sembler du passé rejoint notre présent.
L’aventure de cette communication de l’Amour de Dieu continue en passant maintenant par nous.


Comme il a été évoqué précédemment, cette mosaïque illustre la dernière vision de Marguerite-Marie.
Elle eut lieu le 2 juillet 1688, à l’époque fête maria le de la Visitation…
Toute la description de la vision correspond à ce qui est circonscrit par les nuages rosés autour du trône du Christ. Les personnages à l’extérieur ont été rajoutés par l’auteur de la mosaïque.
Marguerite-Marie décrit Jésus assis sur son trône, dont l’Amour rayonne comme un grand feu.
À la différence des autres apparitions, Il n’est plus seul : Il est entouré d’une partie de la Cour Céleste composée de la sainte Vierge Marie à sa droite, et de saint François de Sales à sa gauche, aux côtés du quel se trouve Claude La Colombière, décédé 6 ans auparavant en 1682. Chacun de ces personnages est accompagné de son Ange-gardien, portant un cœur en offrande : celui de chacun porté vers celui de Jésus, et/ou inversement. Circulation de l’Amour…
Dans cette vision, Jésus est silencieux. C’est sa mère, porte-parole du Verbe, qui parle.
Se tournant vers Marguerite-Marie, elle s’adresse en fait à toutes les sœurs de la Visitation :«à vous sœurs de la Visitation, il vous est donné de recevoir le trésor du Cœur de Jésus, pour le transmettre…»
Marie évoque le Cœur de Jésus comme un trésor transformé, par les ingratitudes qui l’ont martelée, en pièces de monnaies avec lesquelles une rançon peut être payée : «plus vous y puiserez, moins il s’épuisera» précise-t-elle, telle la veuve de Sarepta accueillant le prophète Élie (1 Rois 17, 14).
Puis elle se tourne vers Claude La Colombière pour lui dire ce qui est rapporté dans le cartouche en dessous…C’est la mission confiée à tous les jésuites de la Compagnie de Jésus, qui l’intègreront dans leur Congrégation Générale de 1883 sous le nom de «munussuavissimum»,
la «très douce mission» reçue du Seigneur.

Visitandines et Jésuites au service d’une même mission
Les visages des visitandines et des jésuites présents dans cette mosaïque sont tous identifiables.
Ils ne font pas partie explicitement de la vision de Marguerite-Marie circonscrite par les nuages rosés.
S’ils ont été rajoutés par l’artiste mosaïste, c’est parce qu’ils témoignent de leurs contributions personnelles dans la réception, de la compréhension et de la diffusion de ce trésor du Cœur de Jésus destiné à tous. Ils manifestent l’accomplissement de la mission reçue de Jésus, exprimée par Marie à l’ensemble de leurs familles religieuses à travers les âges…


De part et d’autres de ces visitandines et jésuites se trouvent donc les 2 absidioles déjà évoquées. Avec les figures de saint François-Régis et saint François-Xavier, c’est la dynamique missionnaire issue du Cœur de Jésus qui est rappelée et portée à son accomplissement :
Saint François-Xavier est le patron de la mission universelle de l’Église. Son histoire, qui le propulse jusqu’aux portes de la Chine où il mourra d’épuisement, l’illustre parfaitement…
La figure de saint François-Régis peut paraître moins évidente. Or, il est bon de se souvenir que ce jésuite avait, comme François-Xavier un grand désir missionnaire, jusqu’à lui faire demander à ses responsables d’être envoyé au Canada, dans une période où étaient martyrisés par les Iroquois des Jean de Brébeuf, Isaac Jogues et d’autres compagnons…La réponse des responsables de François-Régis fut sans équivoque : «votre Canada sera le Vivarais»!!!…
Finalement, en restant au plus proche de ses terres natales, François-Régis devint ce missionnaire infatigable de la réconciliation entre chrétiens extrêmement divisés au lendemain des guerres de religion.
Autrement dit, ces deux figures illustrent parfaitement la dynamique missionnaire de toute l’Église rappelée avec force durant tout le pontificat du pape François (2013-2025) : «tous, disciples- missionnaires» aussi bien dans l’environnement le plus proche, le plus ordinaire, comme vers les endroits les plus lointains, jusqu’aux périphéries du monde… S’actualise ainsi l’envoi missionnaire de la fin de l’évangile de Matthieu, écrite ici en latin :
«euntes docete omnes gentes, baptizante eos in nomine patris et filii et spiritu sancti»
«de toutes les nations faites des disciples, baptisez- les au nom du Père et du Fils et du Saint- Esprit»
(Matthieu 28, 19)

D’autres figures jésuites continuent d’illustrer toute cette dynamique. Ce sont les figures représentées sur les vitraux qui entourent le chœur de la chapelle. Au contraire des figures jésuites présentes sur la mosaïque, postérieures à Claude La Colombière, celles-ci lui sont toutes antérieures. Quand on se rend attentif à leurs itinéraires propres, on s’aperçoit qu’ils font tous référence à un moment ou à un autre de leur vie, à une expérience personnelle fondatrice du Cœur de Jésus. Ignace de Loyola, fondateur de la Compagnie de Jésus, par ses Exercices Spirituels ; Pierre Favre, premier compagnon d’Ignace, dans ses lettres adressées à celui-ci ; Alphonse Rodriguez dans ses notes spirituelles découvertes après sa mort ; Pierre Claver par l’exemple perçu justement dans la fréquentation d’Alphonse Rodriguez ; Stanislas Kostka, Louis de Gonzague, Jacques Sales et Guillaume Sautemouche par leur vie offerte jusqu’au martyre par la maladie ou les persécutions…
C’est une manière d’illustrer concrètement que l’expérience et la mission du Cœur de Jésus, avant même d’être signifiées par la vision du 2 juillet 1688, font partie depuis les origines de la Compagnie de Jésus à son «charisme» originel. Pedro Arrupe, supérieur Général de la Compagnie le soulignera de manière éclatante en 1981 :
«dans ce qu’on appelle la «Dévotion au Sacré-Cœur », [se trouve] une expression de ce qui est le plus profond de l’esprit ignatien, et que s’y trouve une efficacité extraordinaire, aussi bien pour la perfection personnelle que pour la fécondité apostolique» (6 février 1981). L’encyclique du pape François sur le Cœur de Jésus (Dilexit nosau n°146),le reprend et le confirme.
