Offrande au Coeur sacré de Jésus-Christ (1677) (version intégrale) – Claude La Colombière sj, (1641-1682)

I –

Cette offrande se fait pour honorer ce divin Coeur, le siège de toutes les vertus, la source de toutes les bénédictions et la retraite de toutes les âmes saintes. Les principales vertus qu’on prétend honorer en lui sont : premièrement un amour très ardent de Dieu son Père, joint à un respect très profond et à la plus grande humilité qui fut jamais ; secondement une patience infinie dans les maux, une contrition et une douleur extrêmes pour les péchés dont il s’était chargé, l a confiance d’un fils très tendre alliée avec la confusion d’un très grand pécheur ; troisièmement, une compassion très sensible pour nos misères. Un amour immense, malgré ces mêmes misères et nonobstant tous ces mouvements dont chacun était au plus haut point qu’il pût être. Une égalité inaltérable causée par une conformité si parfaite à la volonté de Dieu, qu’il ne pouvait être troublé par aucun événement quelque contraire qu’il parut à son zèle, à son humilité, à son amour même et à toutes les autres dispositions où il était. Ce Coeur est encore, autant qu’il le peut être, dans les mêmes sentiments et, surtout, toujours brûlant d’amour pour les hommes, toujours ouvert pour répandre sur eux toute sorte de grâces et de bénédictions, toujours touché de nos maux, toujours pressé du désir de nous faire part de ses trésors et de se donner lui-même à nous, toujours disposé à nous recevoir et à nous servir d’asile, de demeure, de paradis dès cette vie.

II –

Pour tout cela, il ne trouve dans le coeur des hommes que dureté, qu’oubli, que mépris, qu’ingratitude : il aime, et il n’est point aimé, et on ne connaît pas même son amour, parce qu’on ne daigne pas recevoir les dons par où il voudrait le témoigner, ni écouter les tendres et secrètes déclarations qu’il en voudrait faire à notre coeur.

– III –

Pour réparation de tant d’outrages et de si cruelles ingratitudes, o très adorable et très aimable Coeur de mon aimable Jésus, et pour éviter autant qu’il est en mon pouvoir de tomber dans un semblable malheur, je vous offre mon coeur, avec tous les mouvements dont il est capable, je me donne tout entier à vous ; et, dès cette heure, je proteste très sincèrement, ce me semble, que je désire m’oublier moi-même et tout ce qui peut avoir du rapport avec moi, pour lever l’obstacle qui pourrait m’empêcher l’entrée de ce divin Coeur que vous avez la bonté de m’ouvrir, et où je souhaite entrer pour y vivre et mourir avec vos plus fidèles serviteurs, tout pénétré et embrasé de votre amour.

– IV –

J’offre à ce Coeur tout le mérite, toute la satisfaction de toutes les messes, de toutes les prières, de toutes les actions de mortification, de toutes les pratiques religieuses, de toutes les actions de zèle, d’humilité, d’obéissance et de toutes les autres vertus que je pratiquerai jusqu’au dernier moment de ma vie. Non seulement tout cela sera pour honorer le Coeur de Jésus et ses admirables dispositions, mais encore je le prie très humblement d’ accepter la donation entière que je lui en fais, d’en disposer en la manière qu’il lui plaira et en faveur de qui il lui plaira ; et comme j’ai déjà cédé aux saintes âmes qui sont dans le purgatoire tout ce qu’il y a dans mes actions capables de satisfaire la justice divine, je désire que cela leur soit attribué selon le bon plaisir du Coeur de Jésus.

– V –

Sacré-Coeur de Jésus, apprenez-moi le parfait oubli de moi-même, puisque c’est la seule voie par où l’on peut entrer en vous. Puisque tout ce que je ferai à l’avenir sera à vous, faites en sorte que je ne fasse rien qui ne soit digne de vous. Enseignez-moi ce que je dois faire pour parvenir à la pureté de votre amour, duquel vous m’avez inspiré le désir. Je sens en moi une grande volonté de vous plaire et une grande impuissance d’en venir à bout sans une grande lumière et un secours très particulier que je ne puis attendre que de vous. Faites en moi votre volonté Seigneur ; je m’y oppose, je le sens bien ; mais je voudrais bien, ce me semble, ne m’y opposer pas. C’est à vous à tout faire, divin Coeur de Jésus-Christ ; vous seul aurez toute la gloire de ma sanctification, si je me fais saint ; cela me parait plus clair que le jour ; mais ce sera pour vous une grande gloire, et c’est pour cela seulement que je veux désirer la perfection. Ainsi soit-il.