
Alors que nous venons de découvrir cette relation d’amitié dans la quelle le Seigneur nous place, et donc que nous entrons dans une nouvelle profondeur dans la relation avec Lui, nous arrivons au niveau de la troisième travée de vitraux. Ceux-ci se reconnaissent facilement : les noces de Cana et la Cène.
L’invitation de Marie attire notre attention : «faites tout ce qu’il vous dira. » Elle s’adresse à des serviteurs. Mais de l’autre côté, comme en réponse, Jésus s’adresse à ses amis en les invitant : «faites ceci en mémoire de moi.»
De serviteurs à amis, nous sommes invités à entrer dans l’attitude eucharistique de Jésus signifiée par 2 gestes indissociables, présents aux deux extrémités d’une même table: la fraction du pain et le lavement des pieds.
Une manière de nous dire que nous sommes, tous, invités à devenir les «ministres», c’est-à-dire les serviteurs de cette attitude en la vivant à notre tour, non seulement dans la participation à la célébration liturgique sacramentelle, mais jusque dans les actes les plus élémentaires de notre vie humaine, reliés aux autres : la liturgie existentielle de nos vies ordinaires.
Nous pouvons remarquer qu’une transformation s’est opérée depuis notre entrée dans la chapelle :
nous ne sommes plus seulement mis en mouvement pour aller vers et nous rapprocher de Jésus, nous sommes maintenant appelés à vivre à notre tour de la même manière que Jésus : faire de notre vie une offrande eucharistique, comme l’une des prières eucharistiques de la messe nous le fait entendre : «que l’Esprit Saint fasse de nous une éternelle offrande…» (Prière Eucharistique n°4).

Les noces de Cana Marie attire l’attention des serviteurs
C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous

La Cène Jésus invite à faire de même
Répondre à cette invitation de Jésus ne se fait pas sans prendre le temps d’une maturation.
Ce mûrissement est spécifique à chacun. Chacun avance à son rythme et il est important de le respecter. À l’exemple de sainte Marguerite-Marie qui manifestera seulement à la troisième grande apparition, celle de juin 1675, le désir de répondre amour pour amour à ce que lui demande le Seigneur : «que puis-je faire ?» Jésus répondra en lui disant simplement «ce que je t’ai tant de fois demandé…» Il n’y a aucun reproche dans le ton de Jésus. Seulement la manifestation de sa patience et de sa fidélité : l’appel premier, exprimé dès la première grande apparition de décembre 1673 («je veux passer par toi pour diffuser, à tous, mon Amour»), reste toujours valable et d’actualité.
Rapporté à l’expérience de Claude La Colombière, éclairé par le cheminement des Exercices Spirituels, c’est le temps dit de «l’élection» : le moment où le retraitant va s’engager dans une réponse personnelle décisive et très concrète. Mûrement réfléchi, c’est le moment d’un «choix de vie».
La vie du retraitant ne sera plus comme avant : il y aura un avant et un après.
Tant que cette décision n’est pas prise, nous restons dans l’approfondissement de la vie avec Jésus. Dans la chapelle, nous pouvons retourner à telle ou telle scène de la vie de Jésus selon le procédé de la «répétition» vu précédemment au moment de la confession de Pierre à Césarée. Mais, pour marquer notre décision et donc la poursuite de notre avancée dans la chapelle, nous constatons que nous devons alors franchir 2 marches encadrées par 2 colonnes différentes des précédentes : elles sont carrées et n’ont aucun chapiteau sculpté sinon quelques motifs floraux. Un dépouillement qui nous renvoie à nous-même et à la décision que nous devons prendre en conscience. C’est dans un acte libre et responsable que je franchis les marches et m’approche davantage de l’autel central…


En approchant de l’autel central nous découvrons, alignés dans son axe central, la porte du tabernacle de l’ancien maître-autel. Ce maître-autel primitif était en place de l’autel central actuel, avant la réforme liturgique de 1963. La mosaïque décorant la porte du tabernacle exprime précisément le geste d’offrande de Jésus dans lequel nous avons choisi d’entrer en franchissant les marches évoquées précédemment : Jésus, le regardé levé vers le Ciel et les mains ouvertes en offrande.
Nous remarquons que ses mains sont vides : précisément, il n’a que lui-même à offrir.
Sa vie est offrande. Sa vie est l’offrande suprême. Encore une fois, c’est à cela que nous étions invités à nous associer : faire de nos vies une offrande. Nous retrouvons là l’écho du psaume 39-40 :
«Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice, tu as ouvert mes oreilles ; tu ne demandais ni holocauste ni victime, alors j’ai dit : «Voici, je viens.» Dans le livre, est écrit pour moi ce que tu veux que je fasse. Mon Dieu, voilà ce que j’aime : ta loi me tient aux entrailles.»
La lettre aux Hébreux s’appuie précisément sur ce psaume pour démontrer que cette offrande de Jésus, non-violente et non sanglante, est le véritable et unique sacrifice qui plaît à Dieu:
«Jésus déclare : Me voici, je suis venu pour faire ta volonté. Ainsi, il supprime le premier régime pour établir le second. Et c’est grâce à cette volonté que nous sommes sanctifiés, par l’offrande que Jésus Christ a faite de son corps, une fois pour toutes.» (lettre aux hébreux 10, 9-10)


Depuis l’autel central, nous découvrons le transept gauche où se trouve la châsse de saint Claude.
Juste au-dessus, nous pouvons remarquer un tableau qui nous rapporte un moment essentiel et déterminant des premières rencontres de Claude avec Marguerite-Marie. Claude vient d’arriver à Paray où il a été nommé comme confesseur des sœurs. Il célébre donc régulièrement la messe pour elles. Voilà qu’à l’une de ses premières messes, Marguerite-Marie va voir le Seigneur unir dans le sien chacun de leur cœur. C’est la vision dite des «trois cœurs».
Quand Marguerite-Marie rapportera cela avec craintes et tremblements dans ses conversations avec Claude, celui-ci au contraire la confirmera immédiatement avec assurance que cela vient bien du Seigneur. En effet, sans que Marguerite-Marie le sache, cette vision vient répondre précisément à une demande qu’avait faite Claude lors de sa retraite finale de formation, les Trente Jours du Troisième An, juste avant d’être envoyé à Paray. Il y demandait, dans une contemplation face au Christ en Croix, d’être mis dans les mêmes dispositions que la Vierge Marie, c’est-à-dire d’être uni à son cœur pour pouvoir être avec le Seigneur jusqu’au pied de la Croix, alors que tous ses amis, les disciples et apôtre savaient fui, déserté, renié… La réponse à une telle demande, au moment même où se célèbre l’Eucharistie du Seigneur ne peut être une singerie du diable, quand bien même celui-ci peut se déguiser en ange de lumière pour nous tromper (2 Corinthiens 11, 14) : c’est vraisemblablement le déterminant qui a permit à Claude de discerner rapidement l’origine des manifestations spirituelles de Marguerite-Marie.
Si cela nous est montré ici et maintenant dans notre parcours, c’est pour nous rappeler précisément ce qu’opère Jésus chaque fois que nous entrons dans son Eucharistie : il transforme notre cœur pour y mettre le sien : remplacer un cœur de pierre par un cœur de chair, un cœur nouveau : son Cœur.
Une «transplantation cardiaque» non pas réservée à quelques élus, mais destinée à tous !

